KATEB Yacine

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De part sa naissance, Kateb Yacine était déjà un singulier. Il n’y a pas de date exacte sur son acte de naissance, car celui-ci avait été établi treize ans après sa naissance, soit un certain 8 mai 1945 à Sétif, date fatidique où l’adolescent a vu les siens se faire massacrer par des balles assassines tirées à bout portant par les soldats de l’armée française. Ce jour-là, un rebelle était né, un poète agitateur qui a bousculé l’ordre des choses pour défendre les valeurs humaines et dénoncer l’injustice sous toutes ses formes.

Le romancier-révolutionnaire traduisait les idées écrites sur le papier par des actes de lutte concrètes défiant ainsi toute forme d’oppression. Son œuvre phare Nedjma, premier roman édité en 1956, est l’histoire d’une passion et d’un amour démesuré pour une femme, l’unique femme, celle qu’il veut, mais inaccessible, la métaphore de l’Algérie colonisée. Kateb Yacine, enfant, était bercé par les chants et les poèmes qu’entonnait sa mère à longueur de journée. Cette femme qui, frappée par la folie ce sinistre jour du 8 mai 45, a su réveiller sa sensibilité poétique et ses fibres littéraires en l’imprégnant de cette culture populaire, orale, transmise de génération en génération, une culture qui influencera largement l’essence de tous ses écrits. L’homme aux sandales en caoutchouc, apprendra et perfectionnera sa maîtrise de la langue française, un “butin de guerre” comme il le qualifié et qui sera son cheval de bataille dans sa lutte contre toutes les formes de tyrannie. Sa littérature humaniste, sa poésie expressive le propulseront au sommet de la littérature universelle.

L’autre combat de Kateb Yacine, le théâtre, qu’il adoptera comme une forme supérieure d’expression et ne cessera jamais de lui redonner la dimension qu’il lui sied en innovant, en tentant d’effacer les limites traditionnelles de la scène, des costumes, de l’espace et des personnages transgressant toutes les règles préétablies. Dans son écriture théâtrale, Kateb Yacine invente des personnages-clé qui transmettront les messages qu’il veut faire passer comme dans Le cadavre encerclé où Lakhdar, le personnage principal de la pièce, est le messager du comité central des ancêtres. L’homme de tous les combats était également un journaliste déterminé dans Alger républicain en 1948, alors qu’âgé d’une vingtaine d’années, et déjà cette plume audacieuse et engagée. L’homme qui a puisé toutes les formes d’expression, la poésie, le théâtre, puis le roman et l’écrivain aux “sandales de caoutchouc” a rejoint sans retour sa Nedjma bien aimée. Cette étoile inaccessible qui lui a inspiré le plus beau texte d’amour. L’écrivain s’est éteint le 29 octobre 1989, laissant derrière lui deux sacs, l’un bourré de livres et dans l’autre quelques vêtements et un manuscrit pour enfants inachevé. Mais la voix de la contestation katébienne ne s’est pas arrêtée pour autant. Outre-mer, son fils Amazigh a pris le relais du “contestador” et a prêté sa voix à son père pour dire d’autres formes de souffrance, celles d’une jeunesse désabusée. L’hommage que rend l’Académie française à Kateb Yacine en janvier 2003 ne sera que justice rendue à l’auteur du Cadavre encerclé, interdit de la scène en 1960.

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