Transformations urbaines dans les cités coloniales de recasement : Cas du quartier Bel-air à Sétif - Algérie

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Bel Air Setif

Les quartiers anciens deviennent aujourd’hui des espaces à reconquérir par la ville algérienne, face à l’étalement urbain effréné et en l’absence de réserves foncières. Le cas de Sétif est ainsi intéressant, on y trouve quelques vieux quartiers croulant sous le poids d’une forte densité résidentielle et d’une précarité inadmissible, au moment où il n’y a plus de possibilité pour construire de nouveaux quartiers. Donc, le moment est venu pour développer les connaissances préalables à toute intervention sur les vieux tissus afin d’améliorer leurs conditions physiques et sociales.

Bel Air est l’un des plus vieux quartiers populaires à Sétif. Pour comprendre sa situation actuelle, il faut remonter son histoire. Après la première guerre mondiale, les autorités municipales de Sétif prennent en main le développement spatial de la ville en procédant à certains aménagements dans les environs immédiats de la ville intra- muros.

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Un vieux campement établi sur un terrain communal loué en 1881 à quelques nègres venus du sud appelé village nègre ou "Zmala" a été rasé pour édifier des villas avec jardins en Habitat Bon Marché (HBM) au profit des classes moyennes européennes. C’est la cité Lévy (actuelle cité Tlidjène).

Tandis qu’une cité de recasement a été implantée au Nord de la ville, au-delà des terrains militaires (champ de manœuvre). Il s’agit de la cité Bel-Air qui attribue une pièce par famille, dont les membres s’adonnent à l’activité artisanale en rapport avec leur vocation traditionnelle du travail de la laine (tapis et burnous). Parallèlement à la cité de Bel-Air, on a construit des cités pour les combattants de la guerre 14-18 ; cité des combattants au Sud-Ouest de la muraille et une deuxième cité militaire à la cité Lévy. Circulaire du gouverneur général Au sujet de I’habitat indigène 13 avril 1927 (J. O.A. 1927. 1ère P., p. 202) A Messieurs les Préfets d’Alger, d’Oran et de Constantine. La question de l’habitation doit être au premier rang de nos préoccupations tout aussi bien pour les indigènes que pour les européens.

C’est en effet I’absence d’habitation hygiénique et à l’abri des intempéries, qui est dans la plus large mesure la cause de la propagation des maladies épidémiques. Ce n’est ’pas seulement l’hygiène qui est en cause, il faut souligner encore des raisons d’ordre social de première valeur.

II est, en effet, d’évidence que la dissémination des habitations est à un autre point de vue une chose très fâcheuse. Elle rend la vie extrêmement difficile pour qui se trouve ainsi dans un isolement presque total, loin de la protection administrative, loin des médecins, loin des écoles, loin même des centres de travail qui pourraient procurer un peu d’aisance à la famille.

La colonisation elle-même souffre de cet état de choses qui, il faut l’avouer, n’est pas très favorable à la sécurité.

II y a donc des avantages considérables à essayer de constituer petit à petit un paysannat indigène qui élèverait socialement l’indigène et qui lui assurerait des bienfaits inappréciables.

Il y a eu jusqu’à présent que quelques tentatives isolées. Elles ont admirablement réussi. L’initiative hardie prise par M. Ie Délégué financier Levy à Sétif a été un grand succès et la mortalité est tombée aussitôt de façon extrêmement appréciable, Une autre expérience remarquable a eu lieu dès 1896 dans la commune mixte de la Mekerra. II y avait à pourvoir au recasement d’un certain nombre d’indigènes. On utilisa 3.000 hectares pour y tailler 400 lots de diverses contenances, et le surplus, 320 hectares environ, furent réserves pour le parcours. Le prix de location fut de trois francs par an, avec bail. Mais I’autorité locale eut en outre la pensée de constituer un véritable village. Des rues furent tracées, une conduite d’eau fut installée ainsi qu’un abreuvoir, des écoles de garçons et de filles, cette dernière avec centre de travail, furent construites ainsi que des silos en maçonnerie pour l’emmagasinage des grains de la société de prévoyance.

La population de Bédrabin qui comprenait en 1896, 24 familles et 196 habitants, compte maintenant 189 familles et 1.051 habitants. II y a dans le village déjà 153 maisons bâties en maçonnerie et couvertes en tuiles.

Cet exemple est, comme vous le voyez, singulièrement impressionnant. II y a donc à tous les points de vue des avantages considérables à entreprendre la propagande nécessaire pour amener progressivement et par persuasion à une autre conception de I’habitat.

De même que dans les villes, la loi oblige à la constitution des plans d’extension et d’embellissement, je voudrais qu’on pût dresser des plans d’agrandissement et d’aménagement des villages indigènes. L’application prochaine de la loi sur la propriété foncière va en fournir une nouvelle occasion.

Le village indigène suppose donc un regroupement de toutes les habitations isolées et autant que possible à proximité d’une voie de communication existante ou en projet.

Mais il faut, bien entendu , qu’autour du village, il y ait pour une population présente comme pour une population future, une quantité de terre suffisante aussi bien pour la culture que pour le parcours des animaux. Les lots pas plus que la maison ne devront jamais faire l’objet d’une vente. Je recommande surtout le bail emphytéotique de 99 ans que j’ai prescrit pour Sétif et qui donne à l’administration, qui reste propriétaire, un droit d’intervention pour assurer le bon entretien de l’habitation. En même temps l’indigène est protégé contre son imprévoyance qui pourrait l’amener à vendre plus ou moins rapidement. En réalité, par le bail de 99 ans, on arrive à constituer en pratique le bien de famille inaliénable et insaisissable, sauf pour défaut de paiement du loyer et des impôts.

Le village devra être pourvu de deux ou trois artisans sachant travailler le fer et le bois, réparer les machines agricoles, sachant aussi un peu de maçonnerie. Déjà de nombreux administrateurs forment de tels ouvriers. Il sera indispensable de ne jamais organiser un village sans y mettre les artisans nécessaires.

Le type des maisons pourra varier suivant les possibilités du pays. L’idéal serait le type de Sétif qui malheureusement reviendrait assez cher. L’essentiel, c’est que les murs puissent être à l’intérieur, être blanchis à la chaux au moins deux fois par an et le sol désinfecté autant que possible tous les mois. II y aurait intérêt à ce que l’habitation fût entourée pour pouvoir comporter des fenêtres suffisamment larges.

Les écoles et l’ouvroir seraient construits dès que possible.

Reste la question des voies et moyens. J’envisagerais très bien la réalisation d’emprunts faits par la Commune, gagés par le prix de location. Si nous envisageons par exemple un lotissement de 4.000 hectares à 5 francs seulement par hectare, cela donne une annuité de 20.000 francs qui permet de gager un emprunt amortissable en trente ans de 200.000 francs environ. Le lotissement ne devrait pas être inférieur à 10 hectares, mais avec des lots qui pourraient atteindre 25 hectares. Quant aux terres de parcours, il semble qu’une réserve du quart serait suffisante. Les fonds pourraient être prêtés par les sociétés de prévoyance.

I- Historique de Bel Air :

Les écrits d’André Prenant (1953) démontrent que "la spéculation immobilière était inaugurée dans la ville de Sétif en 1887 par la transformation des terrains de culture en lotissements, au delà de la zone des servitudes militaires (futur faubourg inférieur de la gare), ce qui accompagna le début d’une vague d’immigration dès 1881."

Le recensement quinquennal de 1901 donne une population agglomérée au chef lieu de 9282 habitants répartie comme suit : ville intra-muros 6650, faubourg de la gare 884, faubourg de l’industrie 347, faubourg des jardins 812 et le village nègre 867, tandis que la population éparse (rurale) représente 5859.(Rocca, 1903)

L’édification d’une cité de recasement destinée aux musulmans était la première expérience coloniale du genre dans la ville de Sétif. L’origine de ce projet ne peut être comprise qu’en remontant l’histoire de l’établissement humain "déplacé", où les conditions élémentaires d’hygiène n’existaient pas. La première initiative revenait à Charles Lévy qui a pris acte de la décision de la ville pour créer cette cité en marge de la communauté européenne.

A travers la lecture de l’extrait de la session du Conseil Municipal du 26 Janvier 1922, il ressort que :

"Suite à la décision du 25 Juin 1921 de déplacer définitivement le village nègre pour des raisons d’hygiène et de sécurité, proposition faite par Mr. Charles Lévy, délégué financier et président du comité de la société Coopérative des habitations à bon marché, de céder à la commune un terrain lui appartenant à l’ouest de la route de Bougie et au-dessus du champ de manœuvres, à condition que l’emplacement occupé par le village nègre soit affecté à l’édification d’une cité ouvrière d’H.B.M., situé sur un large plateau dominant la ville au nord et à une distance approximative de 1 kilomètre. Il permet l’établissement d’un plan de lotissement comportant des tracés de rues très larges avec place publique et chemins d’accès.

Le nouveau village, construit suivant un alignement régulier, renfermerait, outre de nombreuses maisons d’habitations, une école de Talebs et des locaux destinés aux industries indigènes telles que fabrication de tapis, Burnous, etc.

Il serait alimenté en eau potable non seulement par de bonnes fontaines, mais encore par une fontaine abreuvoir."

De 1922 à 1933, s’ouvre une phase de recasement marquée par la création d’un office "le patrimoine Sétifien" dont le but est de faire place nette au centre. Le délégué financier qui patronne cet organisme officieux Charles Lévy, grand colon privé et minotier, offre un sien terrain inculte et rocailleux, au nord de la ville. Il destine la future cité Bel Air à recaser les 876 habitants du village nègre, à raison d’une famille par pièce ; revenant à 1397 francs et contre 100 francs de loyer annuel, en échange du communal du village nègre ou entre la gare et le marché, s’édifieront les maisons familiales de la cité Lévy, revenant alors à 10000 Francs l’une, où vivent aujourd’hui 1500 habitants, surtout européens : employés, fonctionnaires, retraités. En 30 ans, 2000 nouveaux venus s’entasseront dans la cité Bel Air. (Prenant, 1953)


En restant longtemps isolée du reste de la ville, jusqu’en 1970, "Bel Air, cité musulmane par excellence, avec ses écoles et manufactures de tapis, ses écoles de filles et garçons musulmans"(Camborieux, 1978), est aujourd’hui un quartier de la ville de Sétif avec ses 3000 habitants (voir tableau 1). Il a était localisé loin de la ville coloniale, à un kilomètre et demi au nord, pour mieux l’isoler de la vue des européens.

II - La forme urbaine du quartier Bel Air :

Le quartier Bel Air au nord-ouest de la ville de Sétif (figure 1), occupe un site plat dans sa partie sud mais qui devient plus ou moins accidenté dans sa partie nord (figure 2). Cette topographie a donné lieu à la forme actuelle du quartier qui n’est pas entièrement rectangulaire malgré le plan orthogonal qui lui a été imposé dès sa fondation.

Ce plan en damier se caractérise par des rues parallèles longeant le site du sud vers le nord tout en étant traversées par des rues orthogonales d’est en ouest. La voie Est-ouest qui passe par la crête de cet établissement humain constitue la rue principale du quartier. Elle représente la ligne de passage vers la partie en pente de Bel Air. On y trouve aujourd’hui la Mosquée, l’école artisanale, l’école des filles et celle des garçons.

Le groupement sud est aéré et organisé autour d’une place où se trouvait la fontaine et l’abreuvoir. Dans le groupement nord se trouve un espace ouvert sur le versant ; à l’origine c’étaient deux îlots destinés à abriter d’autres habitations.

III - Cadre théorique et méthodologique :

La stratégie de recherche préconisée combine l’analyse urbaine typo-morphologique du milieu bâti à l’étude des pratiques et des usages ainsi que les significations qui s’y rattachent. Cette approche considère le milieu urbain en tant qu’ensemble organisé et structuré d’objets et d’idées.

L’analyse urbaine typo-morphologique (opposée à la typologie fonctionnelle) étudie les bâtiments dans leurs contextes, avec leurs espaces environnants publics et privés. La recherche urbaine typo-morphologique date des années 50 et 60. A cette époque les architectes italiens ont étudié systématiquement les types de bâtiments dans les centres historiques des villes italiennes. Au même moment, le géographe anglais M.R.G Conzen (1968) analysa l’évolution historique des villes médiévales anglaises sous un angle différent. Il développait une étude typologique (typo-morphologique) des formes urbaines. Des recherches similaires ont été menées en France (Castex, 1977), à San Francisco (Moudon, 1986) et dans de nombreuses villes européennes (Lawrence, 1987). Ces études ont démontré que les éléments urbains (îlot urbain, réseau viaire) sont très stables pendant de longues périodes historiques.

La lecture morphologique devient essentielle pour saisir le mécanisme de formation de la composition urbaine. Actuellement, la définition de la notion de tracés dépasse les tracés traditionnels - le dessin des espaces libres, elle s’est étendue à tous les types possibles de tracés : parcellaires, viaires, bâti intervenant dans la composition urbaine et permettant de comprendre et d’en concevoir la forme.

L’approche typo-morphologique peut être développée selon les quelques axes suivants (Moudon, 1987) : 1- Comme outil de description de la structure urbaine existante : la classification sous forme de types urbains pourra offrir une base pour la description de la structure urbaine existante dans une ville spécifique, en termes de caractéristiques de typologies urbaines. 2- Comme outil d’analyse : elle permet une vision profonde de la "durabilité" des différents types urbains ; par la collecte d’informations environnementales de base. Elle permet également d’évaluer la relative attractivité des différents types urbains par la collecte de données socio-économiques. 3- Comme outil de planification et de design : permettant une compréhension approfondie des types urbains, de durabilité et de qualité, une meilleure description de l’environnement bâti existant. En revanche, ceci engendrera une meilleure pratique d’aménagement urbain.

La superposition des morphologies (sociales, historiques, plastiques ...) contribue à l’élaboration de la valeur urbaine. La diversité morphologique (la polymorphie) de l’espace urbain atteste de la complexité de ville. La connaissance des éléments de permanence permet de sauvegarder la morphologie des tracés qui servent d’armature à la ville, ou de retravailler le tissu en profondeur pour offrir une modernité nouvelle. Ainsi, l’espace acquiert une identité propre, des qualités spécifiques et peut évoluer en retrouvant un autre usage sans être constamment fait ou défait à travers le temps. Celui-ci, un paramètre majeur, donne un sens profond à la transformation urbaine qui doit s’inscrire dans une permanence.(DAU, 1996)

La lecture sensible de l’espace urbain s’ajoute à l’analyse morphologique et historique et rend compte essentiellement de la perception visuelle de l’espace urbain. Elle concerne surtout les espaces urbains extérieurs.(Lévy A., 1992)

IV - Forme urbaine et architectural de Bel Air :

Aujourd’hui, il n’y a plus de vide entre le centre historique et la cité Bel Air. Au contraire, la ville a englouti ce quartier depuis longtemps. Sa position stratégique et à proximité du centre ville, lui confère un rôle important à jouer au sein de la ville, et malgré la précarité du bâti la population de Bel Air trouve sa consolation dans la relation directe avec le cœur de la ville, à 15 minutes de marche de Ain Fouara. La zone située entre le centre historique et la cité Bel Air abrite actuellement une multitude d’équipements qui rayonnent sur toute la ville.

L’élément construit composant le quartier du vieux Bel Air est l’îlot ; élément caractéristique et essentiel du réseau colonial. Cet îlot se présente sous des formes variées (rectangulaire et oblique). Découpé en parcelles rectangulaires, il constitue la pièce régulatrice du plan du quartier.

L’intérieur de l’habitation est constitué par un espace couvert de 25 m² (chambre) et un espace ouvert de 12 m² (cour). Ainsi, l’îlot à Bel Air devient une combinaison de parcelles (disposition groupée) alignées sur la rue de desserte. La parcelle dans ce quartier se présente sous deux formes : la première, plus courante, mitoyenne de trois côtés a une seule façade sur rue, la seconde est celle qui est située à l’angle avec deux façades.

V -Etude des pratiques socio-spatiales :

L’objectif ici est de comprendre à travers l’espace, le temps et l’usage la dynamique des évolutions de la société en général et du quartier en particulier. L’exiguïté de ces habitations et leur manque de commodités modernes n’ont pas empêché les habitants d’avoir de très bonnes relation de voisinage et de développer des relations beaucoup plus intimes qu’on ne l’aurait pensé. L’espace intérieur de la maison s’est étendu à la rue qui est devenue l’espace commun des voisins : espace de repos, de convivialité, de discussion, de fêtes, etc.

Ce quartier a, malgré tout, gardé son caractère purement résidentiel et une apparence discrète due, en partie, à l’absence de commerce dans ses rues secondaires et de desserte. Ainsi, ce type de rue devient un espace semi-privé, le support de pratiques sociales et d’activités ménagères, une aire de jeux pour les enfants et de parking, mais surtout en espace collectif et une extension naturelle de l’habitation.

La population habitant Bel Air vit dans des conditions très difficiles, le TOL est de 6,8 personnes / logement de 48m² alors que la moyenne nationale est de 6,5 personnes / logement de 80m².

VI - Transformations urbaines :

Les transformations urbaines ont touché particulièrement le bâti avec des extensions verticales, mais sans toucher à l’alignement. Parfois, le trottoir devient un petit jardin. Donc, le bâti se transforme et le tracé reste intact après plus de 70 ans d’existence.

7.1 - Unités d’habitation :

L’habitation composant le quartier est constitué dans la plupart des cas de deux espaces un espace couvert : la chambre et un espace ouvert qui est la cour. "Le logement" forme ainsi un espace polyvalent (dans une seule chambre se déroulent plusieurs fonctions suivant les moments de la journée). L’absence de spécialisation de l’espace est due, dans la plupart des cas, à son insuffisance. Toutefois les transformations qu’a subie l’unité initiale ont permis de diversifier l’utilisation de l’espace domestique par l’apport de chambres supplémentaires.


L’ordonnancement des parcelles le long de la rue et le manque d’espace à l’intérieur de la maison vont faciliter l’appropriation de la première. Toutes les parcelles sont de la même forme (rectangulaire) et ont une surface de 48 m² dont la moitié est bâtie. Les îlots sont disposés selon le tracé orthogonal et leur forme est généralement rectangulaire, mais parfois elle est trapézoïdale au niveau de l’extrémité sud-est du lotissement. Le découpage des îlots est variable : entre 8 et 22 parcelles, et leurs dimensions et superficies varient entre 17,5m x 35,0m et 15,0m x 65,0m ; c’est à dire 512,5 m² et 975 m². Les 36 îlots sont orientés suivant deux directions nord-sud ou est-ouest.

Les transformations effectuées au niveau des habitations de même surface sont multiples : rajout d’un W.C., d’un espace pour cuisine, d’une chambre à l’étage, d’une cage d’escalier, etc. Ces modifications se font selon les besoins de chaque famille. Dans le cas des transformations verticales, la cour souvent disparaît parce que son espace est très limité. Ceci engendre naturellement l’appropriation du trottoir et l’espace extérieur qui devient le prolongement de l’espace d’intimité. Aussi, avec la disparition de la cour il y a perte de l’éclairage, l’aération naturelle et l’ensoleillement. Donc, les volumes ajoutés prive l’espace intérieur de respiration et empêchent le cours de l’écoulement des eaux pluviales et la neige cumulée sur l’ancienne toiture inclinée. Il est remarquable que les occupants transforment l’habitation sans toucher à la toiture initiale en pente. Ceci est dû en partie au statut juridique de ces habitations, elles sont communales.

7.2 - Modifications d’une habitation type :

L’habitation type est généralement composée d’une chambre de 25 m², d’une cour de 12 m² avec une structure en murs porteurs de 50 cm d’épaisseur. La parcelle est l’unité de base formant l’îlot c"est une parcelle type d’une surface totale de 48m² (6mx8m). Dans la composition, la cour est un espace de transition entre l’extérieur et l’intérieur. Les premières modifications ont touché la cour ou certains résidents ont ajouté une petite cuisine de 7m² ceci les a obligés a déplacé le w.c. qui dans l’angle de la parcelle et décaler la de la chambre vers le coin. Ce type de modification a été observé dans les parcelles suivantes : parcelle 2 - îlot 30, parcelle 6 - îlot 21, parcelle 14 - îlot 20.


Un second type de modifications : les différents besoins des familles ont entraîné une extension verticale par le rajout d’une chambre à l’étage au dessus de la cuisine, avec une cage d’escaliers. Le w.c. est parfois gardé au coin sous les escaliers. Ce qui a réduit la cour à un espace insignifiant. La grande chambre, ne s’ouvrant plus que sur la cuisine, n’a plus d’ensoleillement. Ce type de modification a été observé dans les parcelles suivantes : parcelle 14 - îlot 19, parcelle 2 - îlot 27, parcelle 13 - îlot 35.


Le troisième type de modifications : en R.d.c. la grande chambre a été divisée en deux petites chambres communicantes, l’une est directement accessible par la cour et sans fenêtre, l’autre en a une qui donne sur la cuisine. Rajout d’une cuisine occupant la moitié de la cour et une petite salle de bain pour ne laisser qu’un couloir de 1 m de largeur vers la chambre. A l’étage, une chambre a été ajoutée pour occuper toute la largeur de la façade en saillie sur le trottoir. Pour ce cas de chambre, une échelle est utilisée pour y accéder. Ce type de modification a été observé dans les parcelles suivantes : parcelle 1 - îlot 30, parcelle 8 - îlot 18, parcelle 11 - îlot 15, parcelle 5 - îlot 21.

VII - Espaces et Equipements publics :

Le réseau de voirie y est hiérarchisé en axes : principal, secondaire et de desserte. Les axes principaux partent souvent de la Route Nationale RN9 et de la jonction principale à celle-ci pour joindre la cité 103 logements et les différents équipements existants dans le quartier. Les axes secondaires et dessertes locales desservent les îlots (maisons). La différence entre ces différentes voies se situe beaucoup plus au niveau du mode d’utilisation ou d’usage.

Les places : l’ex abreuvoir et l’espace situé à côté de la mosquée restent les seules places du quartier. La première a servi dans les années 1980 comme arrêt de bus et elle est complètement dégagée aujourd’hui. La deuxième, beaucoup plus intime et plantée, devient le support de plusieurs activités, tels que : aire de jeux pour enfants, parking, séchoir, etc.

Quant aux équipements, les plus importants ont été créés durant l’époque coloniale (école primaire). Ils s’organisent le long des axes principaux et de forme souvent éclatée ils présentent une valeur esthétique importante. Les équipements locaux sont répartis à travers tout le quartier et sont issus de la transformation de maisons d’habitation ; ils constituent le commerce de première nécessité.

Après l’indépendance, divers équipements seront construits (centre de santé, maternité, lycée) qui donneront un caractère dynamique à l’ensemble du quartier.

La cité Bel Air ne possède pas d’équipements de commerce, mais l’espace réservé aux activités commerciales est le résultat des transformations de certaines parcelles en locaux de commerce, principalement dans les voies les plus larges. Ces locaux, dont la majorité à vocation de commerce de première nécessité, ont la même surface que celle d’une chambre. Il est à signaler la présence de marchands ambulants occupant les angles des rues et l’espace devant la mosquée.

VIII- Conclusion :

Il est remarquable dans le quartier Bel-Air que le plan en damier et le système parcellaire de cette cité de recasement, fondée dans les années 1920, continuent à accepter les transformations urbaines successives en préservant la forme urbaine initiale, et ceci malgré la vétusté d’une partie importante du bâti qu’ils sous-tendent. Certes le bâti souvent subit des transformations, des substitutions et des redimentionnements sont opérés, les styles varient mais sans que la structuration de ce quartier n’en soit profondément modifiée.

Il est également intéressant de savoir à quel point les gens du vieux Bel Air s’attachent à leur quartier. Les habitudes du quartier, les relations de voisinage, les traditions de vie communautaire, les usages et les pratiques sociales, sont tous des facteurs qui déterminent cette sorte de territoire tant collectif qu’individuel.

Une partie importante de la population de Bel Air reste attachée à ces conditions de vie à cause de leurs ressources très limitées, au point qu’il lui est impossible de transformer ou de restaurer ses habitations touchées par la vétusté ou menaçant ruine.

Les nouveaux lotissements tout autour ont tendance à inciter l’ancien Bel Air à changer d’image et de configuration à moyen terme peut être.

Auteurs de cet article : MADANI Said, DIAFAT Abderrahmane et TACHERIFTE Abdelmalek

Références :

Camborieux A., (1978). "Sétif et sa région : essai de monographie historique, géographique et économique," Imprim. Gabelle, Carcassonne. Castex J., Depaule J.-C. et Panerai Ph., (1977). "Formes urbaines : de l’îlot à la barre", éd. Dunod, Paris. Conzen M.R.G., (1968). "The Use of Town Plans in the Study of Urban History", in H. J. Dioz : ’The Study of Urban History’. New York. DAU / MELTT, (1996). "La composition urbaine", Note et essai bibliographique, éd. Villes et Territoires, Paris. Devillers C., (1994). "Le projet urbain", les mini PA n°2, éd. du pavillon de l’arsenal, Paris. Lévy A. et Spigai V., (1992). "La qualité de la forme urbaine : problématique et enjeux". IFU, Paris. Moudon A. V., (1986). "Built for Change : Neighborhood Architecture in San Francisco", MIT, Cambridge, USA. Moudon A. V., (1987). "The Research Component of Typomorphological Studies", Paper for AIA/ACSA Research Conference, Boston, USA. Prenant A., (1953). "Facteurs de peuplement d’une Ville de l’ Algérie intérieure : Sétif", in les Annales de géographie de l’Algérie. Rocca E., (1903). "Historique de la ville de Sétif". Imprimerie Rocca, Sétif.

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